
Un designer qui mixe avec des influences modernes, tout en restant dans le respect des traditions.
Une recherche d’innovation, d’expression positive et d’équilibre dans ses œuvres.
Il s’agit de Paul Ledron, un artiste qui éclos de plus en plus dans le milieu très serré des designers africains en général.
On démarre tous de suite cette interview afin de mieux connaitre la personne. « Paul Ledron bonjour..
Parcours – Racontez-nous le vôtre en quelques mots.
Je suis né au Mali et j’ai grandi en Côte d’Ivoire, où je suis arrivé à l’âge de 11 ans.
Dès mon plus jeune âge, j’étais fasciné par le design et la création. Cette passion m’a conduit à Londres, où j’ai étudié le design industriel, une discipline qui m’a permis de comprendre comment allier créativité et fonctionnalité.
Après mes études, je suis resté encore quelques années à Londres pour affiner mon style et explorer différentes facettes du design. Mon parcours m’a ensuite mené en Bulgarie, où j’ai obtenu un Master en création et gestion d’image de marque.
En 2021,j’ai fait le choix de revenir en Côte d’Ivoire, à Abidjan, pour me consacrer pleinement au développement de ma vision du design, en intégrant les influences culturelles qui m’entourent eten collaborant avec les artisans locaux.



Afrique – Un continent de sang et de cœur ? Vos origines influencent-elles vos réalisations, vos inspirations ?
L’Afrique est mon continent de sang et de cœur, et mes racines influencent profondément chacune de mes créations.
À travers mes œuvres, je m’efforce d’explorer et de réinterpréter les
cultures qui m’ont façonné, tout en y insufflant des touches de modernité.
C’est un processus bidirectionnel : je découvre de nouvelles choses sur moi-même en revisitant mes créations passées, et chaque nouvelle pièce que je conçois devient une forme d’introspection.
Créer est un voyage introspectif où je m’ouvre au monde tout en explorant mes propres racines.
Cela me permet non seulement de célébrer mon identité culturelle, mais aussi de proposer des créations authentiques et sincères.
Ustenciles – Et oui comme en cuisine, nous avons nos fouets, nos marquises, nos cul de poules,…et vous quels sont les vôtres pour la création et la fabrication? Faites-vous des prototypes?
Mon processus de création commence toujours par le dessin, une première étape qui me permet de donner forme à mes idées.
À partir de ces croquis, je passe à la modélisation 3D, une compétence que j’ai développée durant mes études en design industriel à Londres.
Ce processus implique souvent plusieurs versions avant d’arriver à la forme finale qui me satisfait.

Ensuite, je crée des plans de production détaillés et me rends à l’atelier, où je travaille en étroite collaboration avec des artisans locaux.
Ensemble, nous réalisons un ou plusieurs prototypes, ajustant chaque détail jusqu’à ce que je sois pleinement satisfait.
C’est seulement après cette étape que la pièce finale voit le jour.
Liberté – Le design des meubles , vous laisse une liberté créative…mais la réalité de la fabrication vous limite dans cela où non ?
Ce qui m’a toujours attiré dans le design de mobilier, c’est la liberté créative qu’il permet.
C’est l’une des disciplines du design où l’imagination peut vraiment s’exprimer, avec un champ d’action immense pour expérimenter et innover.
Toutefois, la réalité de la fabrication en Côte d’Ivoire m’a demandé de m’adapter.

Ayant été formé dans des ateliers modernes et bien équipés, il a fallu que je m’ajuste à une méthode plus artisanale, où tout n’est pas entièrement automatisé.
Ce retour à un processus semi-artisanal m’a parfois posé des défis, mais j’ai appri à m’adapter, et c’est cette flexibilité qui fait la force d’un designer.
Bien que je ne me sente pas limité dans mes idées, la production reste un défi en raison du temps nécessaire pour réaliser chaque pièce à la main.
Cependant, cela rend chaque meuble unique, avec une attention portée aux détails que seul le travail manuel peut offrir.
Légèreté – Vos lignes rendent vos meubles léger, faciles, comme une évidence. Vous recherchez cette émotion de légèreté? Quelles sont les vôtres quand vous créez ? Et quels ressentis cherchez-vous pour l’acheteur ?
Je ne poursuis pas nécessairement la légèreté dans mes créations, mais je suis toujours à la recherche de l’essence de chaque pièce.
Mon objectif est de capturer une idée, une émotion, et
de la traduire en forme tangible.
Une fois que je sens que cette essence est bien incarnée dans un meuble, je considère la pièce terminée.
Bien sûr, l’ergonomie et l’usabilité sont des aspects que je prends en compte, mais ma valeur ajoutée réside dans ma capacité à trouver l’équilibre entre simplicité et expressivité.



Je suis influencé par le minimalisme et le style Japandi, qui marient simplicité, confort et chaleur.
À cela, j’ajoute des éléments propres à la culture ouest-africaine : le respect des traditions, la joie de vivre, et une chaleur expressive.
Ces influences se reflètent dans mes pièces, créant un design qui aspire à faire ressentir des émotions positives, que ce soit le calme, l’excitation ou l’émerveillement.
Mon processus créatif continue d’évoluer au fil du temps, tout comme moi.
Événements – Parlez-nous de ceux où vous avez participer qui ont été les plus marquants, ainsi que les dates de votre agenda à ne pas manquer .
L’un des événements les plus marquants de ma carrière a été ma participation au YoungDesigners Workshop, organisé par Jean-Servais Somian, un mentor qui a été d’un soutien précieux pour moi (et qui l’est toujours).

Cet atelier avait pour objectif de favoriser l’émergence d’une nouvelle génération de designers de mobilier en Côte d’Ivoire, et Jean-Servais nous a guidés avec patience et passion pendant plus d’un an.
Cette expérience a été une véritable école, me permettant de m’adapter aux réalités locales tout en m’ouvrant à l’idée d’intégrer plus d’art dans mes créations.
L’atelier s’est conclu par une exposition à l’emblématique Fondation Donwahi en 2022.
En 2023, toujours sous l’impulsion de Jean-Servais, j’ai eu la chance d’exposer à la Paris Design Week avec d’autres designers du workshop, à la galerie 110 Véronique Rieffel.



Ce fut une opportunité extraordinaire de recueillir des retours internationaux et de montrer mon travail à un public plus large.
Aujourd’hui, je prépare avec enthousiasme ma participation à la Biennale de Dakar, où j’ai été sélectionné pour présenter de nouvelles pièces du 7 novembre au 7 décembre 2024
Désigner – C’était une évidence ?
Enfant, je rêvais d’être inventeur, et pour moi, le métier qui s’en rapprochait le plus était celui de designer produit.
J’ai toujours été animé par une grande curiosité, et le design, qui combine art et sciences, m’a semblé le domaine parfait pour explorer toutes ces passions.
Durant mes études, j’ai découvert que le design avait le potentiel de transformer notre manière de consommer et de vivre, même si un designer seul ne peut pas changer toute une société.
Cette formation, à la fois théorique et pratique, m’a permis de travailler avec différents matériaux et, notamment, de développer une affinité particulière pour le bois.
C’est ainsi que mon amour pour le design de mobilier est né.
À mes yeux, c’est l’un des domaines offrant le plus de liberté créative.




Une chaise peut sembler simple, mais ce sont les choix du designer qui lui donnent sa personnalité unique.

Avec du recul, devenir designer parait avoir toujours été une évidence, même si je n’en avais pas conscience plus jeune.
Pour rester créatif, je m’inspire de ce qui a été fait par le passé et de ce qui se fait actuellement.
Repères – En avez-vous pour rester ouvert et créatif dans votre métier ?
Cette curiosité constante est, selon moi, essentielle pour nourrir l’imagination et l’innovation.
J’aime explorer, comprendre et réinterpréter, et cela alimente mon processus créatif.


Par ailleurs, je pense qu’un bon designer doit être autocritique. Quand je crée, je cherche à satisfaire ma curiosité et ma créativité, mais la pièce doit également passer mon propre test critique.
C’est seulement quand ces trois éléments sont réunis que je considère une œuvre prête à être partagée.
Originalité – Pouvez vous nous dire à votre avis qu’es ce qui vous différencie des autres designers ?
Mon originalité vient d’un mélange unique de mes origines et de mes influences.
Avec un père martiniquais et une mère métisse malienne et allemande, j’ai grandi dans un environnement riche en diversité culturelle.
J’ai eu la chance de voyager, d’habiter et de m’inspirer de plusieurs cultures, ce qui se reflète dans mes créations.




Ma curiosité naturelle me pousse à autant explorer l’héritage culturel ouest-africain que ce qui se fait ailleurs dans le monde.
Mon style est un cocktail d’influences multiculturelles, d’innovation et de respect des traditions, créant quelque chose de nouveau mais familier pour ceux qui observent mes pièces.
Je ne pourrais pas définir précisément ce qui fait du « Paul Ledron« , mais je sais reconnaître quand une pièce ne correspond pas encore à ma vision.




C’est pourquoi certaines créations prennent plus de temps à aboutir que d’autres, car elles doivent parfaitement incarner mon identité.
Nuancier – Vos réalisations pour la plupart sont de couleurs neutre, car le bois y est vraiment mis en beauté. Mais j’aimerai savoir quelle sont vos couleurs préférées ? Et Pensez vous créer des designs en couleurs autres que le noir et le bois?
Mes goûts en matière de couleurs évoluent avec le temps, mais actuellement, je suis particulièrement attiré par le jaune moutarde et le violet.
Jusqu’à présent, j’ai principalement utilisé des finitions naturelles pour mettre en valeur les essences de bois ou du noir laqué pour
mettre en valeur les formes de mes créations.






Cependant, j’ai des projets en cours qui exploreront davantage les couleurs et les textures, et je suis impatient de les dévoiler en 2025.
Ces nouvelles pièces continueront d’allier esthétique et fonctionnalité, mais avec un jeu de couleurs et de textures plus poussé pour enrichir l’expérience visuelle et tactile.
Mot de fin
Merci beaucoup Paul Ledron d’avoir bien voulu m’accorder cet interview….beaucoup de passions dans vos réponses et de profondeur.
Je découvre un artiste qui se sert des forces de son parcours, de ses acquis, de ses traditions ancestrales originelle pour nous transmettre à travers ses œuvres une sensation familière de bien-être et de confort, tout en alliant le beau et l’utile.
On vous souhaite une belle exposition à la Biennale de Dakar, et une belle et longue carrière enrichissante.
Pour plus d’informations :
Instagram : Paul Ledron
Site internet : Paul Ledron











































































































































